Témoignage : Allogreffe du ménisque

Son parcours

Mickaël, après s’être essayé à de nombreux autres sports, pratique le foot depuis ses 8 ans ….et c’est la « cause première de ses soucis ». Il a 29 ans au moment de l’interview. A la naissance, il avait une malformation et un berceau lui tenait les jambes écartées. « De mémoire, j’avais une jambe légèrement plus courte que l’autre et il fallait réaligner tout ça. Je n’ai jamais su si cela avait eu lien de cause à effet ». Une interrogation légitime qui va ponctuer son parcours car son cas est tout de même rare, que l’on parle de la malformation ou des problèmes locomoteurs dont il a souffert par la suite.

Coup dur

Bien que le ballon rond soit sa passion, il a participé à dégrader progressivement certaines parties de son corps en sollicitant, très fortement, articulations, appuis et points de contact.

A 16 ans, il pratiquait le foot en salle avec l’UNSS, sur parquet dur, pour des matchs inter-lycées. Sa première blessure sera une rupture du ménisque due à un contact au sol permanent qui a entrainé une usure. Le morceau de ménisque a lâché et s’est brisé à l’intérieur du genou, ce qui, physiquement, l’empêche de tendre complétement la jambe. Les footballeurs sont souvent sujets à ce type de blessure au vu des changements d’appuis, des courses, des changements de direction ou, encore, des contacts qui peuvent occasionner des chocs sur les articulations. La nature du terrain constitue également une variable.

Au moment de la chute, Mickaël avait directement ressenti la douleur. Jusque-là, il n’avait pas été vraiment confronté à d’autres contusions. Une fois que le ménisque est cassé, la suite va s’avérer handicapante mais la douleur ne dure pas car elle s’arrête – bien que cela puisse sembler contre-intuitif – dès que l’on a réussi à tendre complètement la jambe. Dès son arrivée à l’hôpital, il va donc lui être posé une attelle pour, justement, forcer cette tension. Après passage en radiologie, il va être opéré. Une grande partie du ménisque va être enlevé. Mickaël a 16 ans.

Nouvelle blessure

Le ménisque a vocation à amortir les chocs entre le fémur et le tibia. Notre jeune footballeur, du fait de son âge et par méconnaissance, ignorait que, sans ce protecteur de cartilage, les deux os allaient frotter et s’user plus rapidement. Un chirurgien du Pôle Santé République lui avait expressément recommandé d’arrêter le foot. Mais Mickaël avait 16 ans. Comment laisser tomber sa passion, ses amis, son environnement social, cet attachement viscéral au collectif, la pratique sportive qui lui est chevillée au corps, le plaisir du jeu ? Trop difficile pour lui. Alors, malgré les contre-indications médicales, il décide de reprendre le foot. Il y aura tout de même par une période de rééducation de 6 mois avant de reprendre une véritable activité sportive, bien après avoir renoué avec le quotidien. Il est suivi par un kiné lors de consultations régulières.

Ça y est, il a repris le foot sur gazon ! A 18 ans, il va être confronté à nouvelle blessure, au Portugal, sur un terrain dur, surface qui n’amortit pas les chocs de la même manière. C’est exactement le même type de blessure : un autre morceau de ménisque se déchire. Transporté vers l’hôpital local, il est rapidement rapatrié par avion vers la France. Son état n’a pas été pris en compte directement, sans que Mickaël sache si c’est « par manque de connaissance ou de matériel pour réaliser une arthroscopie du ménisque ou pour une question de couverture des frais par son assurance ». Finalement, il est opéré par le même chirurgien à Clermont-Ferrand. Conclusion : il ne reste presque plus rien du ménisque externe du genou droit.

Le déni par amour du sport

Après cette deuxième opération, suivie d’une deuxième session de rééducation, la même recommandation, insistante, lui est formulée quant à sa pratique du foot : il doit arrêter car le ménisque joue un rôle capital dans la protection du genou. En 2012, on lui parlait déjà de prothèse mais pas forcément de greffe. Tant pis, il reprend le foot en 2013 et une activité de crossfit, en parallèle. « J’aimais bien transpirer. C’est un sport qui m’apportait d’autres choses que le foot » évoque-t-il. Parfois, Mickaël enchaînait les deux avec quatre séances par semaine et un match le week-end. « Par amour démesuré du sport, j’ai inconsciemment – ou, peut-être, volontairement, je ne sais pas – mis de côté ce qu’on m’a conseillé » admet-il pourtant avec l’esquisse d’un sourire. « En plus, je ne ressentais aucune douleur ». Le cartilage s’abîmait donc en silence. Difficile de se résoudre à arrêter quand le mal est silencieux et qu’il n’est pas tangible. Avec du recul, il regrette « un manque de suivi de l’évolution de sa situation pour avoir certainement oublié des rendez-vous de contrôle ».

Mai 2018 est pour notre sportif un point de bascule. Il commence à ressentir des douleurs en fin de match ou de séance de sport. Son genou gonfle systématiquement jusqu’à ce qu’il ne puisse plus le plier ! Il finit ses matchs et ses entrainements car il est à l’apogée de sa forme sportive. Cette saison était très importante et la performance est restée sa priorité. Mais il finit chaque match avec abnégation, dans un état de souffrance perpétuel.

Constat accablant

En fin de saison, durant la trêve, une imagerie atteste que son cartilage est presque mort ; techniquement, en « phase 3 » sur l’os du fémur et en « phase 2 » sur celui du tibia. Il va lui être proposé une greffe de ménisque, dans un établissement hospitalier lyonnais qui les pratique depuis plusieurs années. Il prend rendez-vous avec un chirurgien renommé qui analyse la situation et confirme la faisabilité. C’est la solution. Mais elle est liée à une contrainte : il faut attendre un ménisque. En parallèle, il avait essayé des PRP. C’est un prélèvement de son propre sang qui passe en centrifugeuse pour être ensuite réinjecté dans le genou. Cela permet d’encourager la reconstitution du cartilage bien que le résultat qui ne soit pas systématiquement au rendez-vous. Par ailleurs, ce type d’intervention n’est pas remboursé et chaque injection représentait 600 euros. « J’étais pourtant prêt à le faire parce que c’était important pour moi » se remémore Mickaël. « J’avais aussi fait des démarches à Versailles, passé encore d’autres radios, mais le praticien avait refusé car il jugeait que ma blessure en était à un stade trop avancé et que la greffe serait inutile dans ma situation. »

Greffe du ménisque

En juillet 2020, rupture complète du tendon d’Achille à gauche qui va occasionner le port d’un plâtre pendant 45 jours, alors qu’il joue au foot pour la seule fois de l’année !

Et puis, après 1 an et demi d’attente, en janvier 2021, le Professeur Erivan le contacte car un greffon est disponible. Il va enfin pouvoir bénéficier d’une allogreffe. C’est évidemment un moment d’émotion pour l’espoir de vie qui s’ouvre à lui, mais, aussi, de reconnaissance profonde eu égard à la famille du donneur qui a accepté ce prélèvement. Il faut encore falloir vérifier l’état de son genou, passer radio et IRM. Rapidement, le Professeur Roger Erivan confirme que l’opération est possible malgré l’usure extrême du ménisque. Reste à Mickaël à donner son accord. Là, le doute s’installe. Pourquoi avoir eu un refus médical suivi de cette possibilité inespérée ? Pour le chirurgien clermontois, le constat de son confrère est juste…. mais il pense juste, aussi, de tenter l’intervention ! Dans tous les cas, il lui semble indispensable de stopper la dégradation du cartilage, même s’il est déjà en très mauvais état. Le but de la greffe était de remettre un amortisseur dans son genou, cela ne lui donnerait pas un genou neuf mais ralentirait l’évolution de l’usure.

Cette période est, en parallèle, marquée par la pandémie du COVID. Va alors s’ajouter à toutes ces interrogations la crainte du décalage de l’opération, la priorité étant donnée aux malades porteurs du virus. Mais il n’y aurait pas de décalage, pour Mickaël qui va rester près de 5 heures au bloc opératoire, (l’intervention dure une bonne heure mais il faut compter les phases d’endormissement et de réveil) et 2 nuits à l’hôpital. Le chirurgien a pratiqué sous anesthésie locale touchant tout le bas du corps, via péridurale, mais, néanmoins, assez sédaté, il n’a rien perçu de ce qui s’est passé au bloc.

Après l’opération, c’est une rééducation d’environ 10 mois qui va débuter en complément de celle liée au tendon d’Achille à gauche, resoudé mais nécessitant encore du travail. Durant cette période, les douleurs du genou sont assez marquées, surtout au début. L’attelle appuie dessus et, ayant été alité, il y a eu beaucoup de perte de masse musculaire. Par la suite, sans être vraiment douloureux, c’est donc une forme de gêne pour marcher, car il faut tout renforcer à nouveau ! Le genou doit se réhabituer à avoir un ménisque.

La vie après la greffe

Depuis le début de la recherche de greffe « il m’avait été impossible de rejouer au foot » rappelle le jeune footballeur. « J’avais arrêté à partir de ce moment-là. J’allais quand même voir mes amis jouer. Ça me manquait tellement d’être avec eux que la seule fois où j’ai craqué a été suffisante pour entraîner la rupture du tendon ». Cette envie de reprendre est pourtant toujours là « mais je n’ai pas envie d’en arriver au stade de la prothèse aussi jeune… ». La raison prend le dessus. « Je n’ai pas encore d’enfants. J’ai envie de les voir grandir et de pouvoir courir et jouer avec eux longtemps ». Alors, pour compenser ? « Là ce soir j’ai un soccer. Mais je mets une genouillère et je sais que ça va me rattraper. Alors je suis prudent, il ne faut pas que j’en abuse ».

Le Professeur Erivan l’a de toute façon prévenu qu’il ne le greffait pas pour qu’il reprenne le foot à temps complet. C’est une démarche de ralentissement de l’usure pour repousser au maximum la pose d’une prothèse. Mickaël a le droit de faire du vélo et de la natation, sports plus doux dans son cas et qui n’occasionnent pas de chocs. Pour l’instant, il n’est pas tombé amoureux de ces disciplines-là ! Mais il s’y emploie et c’est une de ses futures résolutions. Pour l’instant, il fait seulement un peu de vélo et pratique le foot très exceptionnellement. Les premiers temps, il lui était arrivé « d’en faire un lundi et d’avoir mal au genou toute la semaine ». Il se masse donc un peu pour essayer de calmer la douleur…. qui le rappelle à l’ordre : il doit modérer, rester raisonnable !

Une volonté de sensibiliser

Cette interview, Mickaël l’a acceptée pour sensibiliser familles et potentiels donneurs : « Beaucoup ne connaissent pas ce type de greffe ; moi le premier avant d’en bénéficier !! Pourtant, les résultats sont exceptionnels ». Mickaël est le deuxième en Auvergne à avoir bénéficié d’une greffe de ménisque, méthode récente et encore confidentielle. Il en avait eu connaissance par un ami qui lui a envoyé un reportage de France3 Auvergne traitant de la première greffe de ménisque pratiquée sur la région, par le Professeur Erivan. « C’était le hasard le plus total » s’exclame-t-il « et je suis sûr que d’autres personnes en Auvergne se trouvent dans le même cas ! Si on ne m’avait pas envoyé cet article, je serais peut-être encore en train de passer des IRM et des radios ! ».

« Le sport, les loisirs et leur apport social, c’est primordial dans la vie d’une personne. Cette greffe me permet de continuer à profiter de cet aspect de ma vie, … mais, avec parcimonie, je le sais. Mais, aussi, d’éviter la pose d’une prothèse ou, pire, de ne plus pouvoir marcher et d’être en fauteuil dans quelques années. Cela signifie pouvoir faire un foot en douceur de temps à autre, pour le plaisir ! ». Selon Mickaël, la greffe devrait compenser l’état de son genou pour plusieurs années mais personne ne sait précisément combien. L’usure du cartilage semble inévitable mais dépendra de sa capacité à ménager -ou pas- son articulation, car, par la suite, cela peut aussi déboucher sur de l’arthrose, pathologie très douloureuse.

Ironie de l’histoire, en juin 2021, soit 5 mois après l’opération, il va être recontacté par son précédent chirurgien pour lui annoncer avoir un greffon.

En parallèle de son parcours de sportif, la vie professionnelle de Mickaël a évidemment été impactée par ces aléas, entraînant une pression mentale accrue. Responsable de production, il va reprendre trop vite son poste et glisser. Depuis la fin des traitements, il manage à nouveau une équipe. Est-ce que son parcours influence ces méthodes de travail ? « Je ne peux pas vraiment juger les personnes que je manage par rapport à ce que j’ai vécu. Ce genre de situations s’évalue au cas par cas, chacun possède son histoire. Je pense que, pour moi, il y a eu un enchainement de circonstances. Pour autant, il ne faut pas craindre de se faire opérer ! » 

Le mot de la fin

Globalement très actif tant sur un plan professionnel que personnel, Mickaël a pris des risques pour sa santé tout en faisant preuve de beaucoup de résilience. Ce dont il est sûr, c’est que « si j’avais pu me faire greffer plus tôt, j’aurais moins mal après un foot ou un soccer. Pendant la période d’attente, même si j’ai fait beaucoup de moins de sport, je sais que j’ai tout de même plus usé mon cartilage à cause de l’absence de ménisque. Le moindre effort était un facteur aggravant. Encore une fois, je regrette de ne pas avoir été assez prévenant envers moi-même. Je me suis inquiété trop tard et les 5 années pendant lesquelles j’ai continué à faire du sport sans trop me poser de questions ont été vraiment dommageables. Après, il faut que je relativise. J’étais très jeune et je vais continuer à avancer. En tout cas, si je devais changer quelque chose à ce que j’ai vécu, je réagirais plus tôt. C’est pour cela que je voudrais pouvoir dire à tous : faites attention à votre santé. »

FEDER BPI FIAD