Pr Etienne Cavaignac, chirurgien orthopédiste spécialiste de la chirurgie du genou et de la traumatologie du sport

Originaire d’un petit village de l’Aveyron, Etienne Cavaignac est chirurgien du genou, spécialisé dans le sport, ainsi que professeur des universités au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Toulouse (31). C’est dans cette même ville que, quelques années plus tôt, il fait ses études de médecine ; suit et obtient son concours d’internat. Il a la chance de partir à Louvain (Belgique) pour une formation de 6 mois auprès du très charismatique Professeur Bellemans. Cette période lui laisse des souvenirs exceptionnels. Un seul bémol ? La météo belge… J Cette expérience confirme donc son choix d’orientation vers la spécialisation du genou.

A la suite de son internat, il obtient un poste de chef de clinique au CHU de Toulouse. Une seconde occasion de voyager, mais, surtout d’apprendre encore et encore, s’offre à lui. Il part donc durant une année à Genève afin de pratiquer la chirurgie du sport. Une surspécialité qui fait écho à son appétence naturelle pour le sport, pour lequel il embrasse les valeurs de dépassement de soi, de discipline et de persévérance. Les tableaux accrochés dans son bureau témoignent d’ailleurs de son amour pour la boxe anglaise. Sans oublier, le rugby bien entendu !

A son retour, il devient maître de conférences et possède, depuis 2020, une agrégation. Le jeune docteur de 39 ans insiste sur sa chance : « J’ai vécu un parcours rapide, intense et captivant ». Passionné de sport et, tout autant, du genou, il s’y consacre exclusivement, en recherche continue, pour approfondir ses connaissances. Il réalise principalement des reconstructions ligamentaires, au niveau des croisés antérieurs notamment. Il s’occupe également des pathologies dégénératives en posant des prothèses. Enfin, dans certains cas assez lourds et complexes, il pratique des chirurgies difficiles à classifier. Ces situations, qui laissent peu d’ouvertures en termes d’intervention, « rendent indispensables les tissus fournis par l’Ostéobanque ». Quant à son activité de recherche, elle complète son quotidien avec cohérence puisqu’il a déjà publié plus d’une centaine d’articles à propos de cette partie du corps.

L’histoire d’une passion

« Je crois toujours au fait que l’on se construit par les rencontres. Pour moi, cela a été ce voyage en Belgique. Le chef, Johan Bellemans, était spécialisé dans le genou et cela m’a tout de suite plu » exprime Etienne Cavaignac avec une véritable émotion. Le genou représente la charnière parfaite entre plusieurs aspects : une activité prothétique auprès des personnes âgées et une activité liée au sport. Ce qui n’est pas vrai pour toutes les articulations. Il s’en amuse, même. « Mon côté inquiet, avec cette peur de manquer du campagnard, m’a rapidement fait comprendre qu’il y aurait toujours des pathologies à traiter et, donc, du travail. C’était important dans mon choix de carrière ! ».

Au-delà de sa curiosité scientifique, la recherche de la performance constitue son principal moteur. C’est une valeur présente dans tous les aspects de sa vie : familiale, sportive ou professionnelle. Il admire la pugnacité, qualité qu’il retrouve chez ses patients comme chez ceux qui font carrière dans la médecine, s’engageant en conscience dans des études relativement longues.  

Une volonté de transmettre

Le sport jouissant d’une image noble et attractive, la spécialisation en chirurgie orthopédique sportive inspire beaucoup les jeunes, même pour des travaux de recherche. C’est pourquoi le CHU de Toulouse accueille beaucoup d’étudiants français et étrangers. Le Docteur Cavaignac s’en félicite : « On sent parfois naître des vocations chez les étudiants lorsqu’ils sont dans le service ! ».  Les cas ne manquent pas dans une région où les structures, stades, voire pistes de ski, sont très fréquentés. De surcroit, la ville dispose d’une structure hospitalière moderne où le service de médecine des sports est collé à celui du chirurgien. 

Quant aux internes, ils apprennent par le compagnonnage. Etienne Cavaignac tient à définir clairement son rôle : « Je ne suis pas qu’un technicien. Je leur apprends à prendre en charge un patient, notion très importante pour moi. On « prend en charge ». Les mots sont importants et balaient l’ensemble des étapes pour amener le patient vers une amélioration. Cela ne peut donc pas être que la consultation ou l’opération isolée ». Dans cette optique, il ne cherche finalement pas à transmettre une manière codifiée d’agir. Son but est plutôt de développer, chez les étudiants, une sensibilité naturelle vis-à-vis de leurs patients. En complément, l’activité de recherche lui apparaît fondamentale. Si tous les étudiants ne se destinent pas à un parcours universitaire, cette démarche permet d’entrer dans un état d’esprit vertueux, en se posant des questions, tout le temps. « Les gestes techniques sont finalement assez simples à améliorer. Mais il faut réfléchir à pourquoi on fait les choses, analyser ses pratiques et garder l’esprit ouvert. C’est primordial pour la suite de leur carrière » déclare-t-il avec conviction.

« Les gestes techniques sont finalement assez simples à améliorer. Mais il faut réfléchir à pourquoi on fait les choses, analyser ses pratiques et garder l’esprit ouvert« 

La chirurgie du sport et ses spécificités

Avant tout, la chirurgie orthopédique est, par essence, fonctionnelle, et donc n’est pas vitale. Ce constat pose les bases de la relation entre pratiquant et patient. Les personnes qui consultent ne sont pas en danger immédiat. « Nos patients sont en état de souffrance ; il faut savoir les rendre mieux » précise le Docteur. Quelquefois, il est nécessaire de les informer que leur condition pourrait ne pas être améliorée de manière certaine. « Je me dois de les aider à dédramatiser et à prendre conscience de la réalité de leur état et de leurs capacités, motrices comme sportives ». En somme, Etienne Cavaignac, comme tout professionnel de santé, possède la casquette d’un empathique diplomate. Et il y tient énormément…..

Au quotidien, il est confronté à des cas de ligaments croisés antérieurs liés à des sports de contact ou à ceux qui impliquent une rotation au cours de laquelle le genou se dérobe. C’est une lésion assez classique, parfois très médiatisée selon le sportif et le chirurgien. Cette couverture médiatique enjolive parfois la réalité en donnant une vision biaisée. Celle-ci ne montre que les rémissions les plus spectaculaires et provoque, malgré tout, une banalisation de la pathologie. Les patients arrivent avec un a priori et il est difficile de leur faire comprendre qu’ils n’auront peut-être pas une rémission aussi rapide que leur sportif favori. Ils ne se rendent pas toujours compte de la potentielle gravité ou de la complexité de cette lésion.

Si footballeurs et rugbymans représentent la majeure partie de ses activités, Etienne Cavaignac rencontre quelques pathologies spécifiques aux haltérophiles qui s’exercent à l’école de Toulouse. Le chirurgien a aussi la chance de s’occuper de danseurs, d’artistes de cirque et de gymnastes dont il admire la force mentale. « Ils doivent toujours garder le sourire, même en subissant des contraintes physiques très fortes. Ils sont étonnants et impressionnants » exprime-t-il, avec fascination.

Un réseau de soins au service du patient pour l’accompagner à la reprise

Le Docteur savoure l’accompagnement de ses patients à la reprise sportive. « C’est toujours plaisant et glorifiant lorsqu’on apprend que tout se passe bien » ajoute-t-il. « La durée de cet accompagnement varie selon les cas. Le « return to sport » est d’ailleurs une question très débattue. Le mieux reste de s’appuyer sur la recherche dans le domaine. Le réseau de soins se met en place, avec des kinésithérapeutes, psychologues et médecins qui apportent leurs regards. Cette coordination est primordiale ». Il existe aujourd’hui des scores très pertinents qui mesurent à la fois les capacités physiques actuelles du patient et son aptitude psychologique à reprendre une activité. Et il ajoute que « nous laissons une place très importante au ressenti individuel. Il faut savoir écouter son corps et les signaux qu’il envoie. C’est le patient qui analyse le mieux ses capacités, même s’il n’en a pas l’impression ».

Le recours à l’allogreffe dans la chirurgie

Lorsque l’activité d’Etienne Cavaignac devient très importante et qu’il commence à avoir des cas complexes, il est déjà en contact avec l’Ostéobanque. Il n’hésite donc pas à solliciter l’équipe. Fort d’un réseau conséquent, il connaît bien Roger Erivan et Stéphane Boisgard. Qui plus est, le concept d’allogreffe lui avait été présenté auparavant par des collègues anglosaxons.

« J’ai trouvé l’Ostéobanque très pertinente. Une seule structure : centrale et organisée, qui tient ses promesses » assure-t-il.

Etienne Cavaignac trouve trois avantages considérables à cette pratique. Tout d’abord, elle permet d’éviter l’autogreffe, plus douloureuse, invasive et, malheureusement, moins fiable en termes de résultats. L’allogreffe est, elle, facile d’utilisation puisque le greffon est déjà prélevé par avance. Cela réduit en prime la durée de l’intervention. Enfin, la disponibilité des tissus, rendue possible par l’Ostéobanque, facilite grandement le recours à l’allogreffe. L’approche est simple : « L’interne rédige l’ordonnance pendant la consultation. Lorsqu’elle prend fin, le centre a reçu la demande. Le lendemain, je valide, et le greffon arrive 2 jours avant l’opération » détaille-t-il. Le chirurgien doit préciser le type de tendons et la pathologie qu’il veut traiter. Au sein de sa spécialité, la variabilité est assez faible ; il dispose donc d’ordonnances types. Le Docteur Cavaignac en est pleinement satisfait : « Tout est très fluide et rodé, l’équipe de l’Ostéobanque sait de quoi elle parle. De plus, elle fait l’unanimité ce qui n’est pas fréquent dans notre milieu de coqs, croyez-moi ! » note-t-il avec humour.

Côté patient 

Pour lui, « l’approche des patients envers la greffe n’est jamais négative ». Ils sont toujours enthousiastes à l’idée de bénéficier d’une allogreffe. Sur le panel très important que représentent les patients qu’il a opérés, il n’a jamais connu de rejet spontané. L’indication de l’allogreffe porte, dans sa spécialité, sur des cas complexes et spécifiques, notamment des lésions multi-ligamentaires. Lorsque les ligaments sont tous cassés, il recourt à la greffe pour les reconstruire. Par ce procédé, il vient également en aide aux patients qui ont déjà subi plusieurs interventions sans amélioration significative. L’allogreffe est aussi indispensable pour traiter des pathologies spécifiques de tissus qui font obstacle à l’utilisation des propres tendons des patients : « Dans ce cas précis, on change la vie de quelqu’un ». Enfin, elle est indiquée dans les cas de reconstructions très complexes d’appareils extenseurs ou ceux dans lesquels la prothèse est insuffisante. L’allogreffe permet alors de redonner une fonction au bénéficiaire et pas seulement d’offrir un retour au sport.

Le grand avantage de cette pratique réside dans l’absence de contre-indication. Le public semble de plus en plus sensibilisé à la greffe de tissus, mais un peu moins aux tendineux.

Le Docteur Cavaignac met un point d’honneur à créer une relation de confiance avec les futurs bénéficiaires. Il tient à leur compréhension exhaustive du processus. Les possibilités dessinées par l’allogreffe sont ainsi couplées à une démarche précise d’information qui tend à supprimer tous les freins. « Très peu de patients s’interrogent sur le bien-fondé de la technique. Il faut savoir que sur les tissus mous, la question du rejet ne se pose pas. C’est le seul point sur lequel on a parfois besoin de revenir plus en détail avec les patients » explique-t-il.

Des cas marquants

Parmi les cas qui l’ont marqué, le chirurgien partage celui d’une danseuse étoile italienne. Sportive de très haut niveau, elle souffrait de luxations régulières de la rotule. Deux issues s’offraient à elle : l’autogreffe ou l’allogreffe. La danseuse, préoccupée par des impératifs professionnels, souhaitait intégrer une grande troupe, à court terme. Le choix de l’allogreffe s’est révélé un grand succès et lui a finalement permis de rejoindre cette troupe à Milan.

Etienne Cavaignac cite aussi le cas d’un patient dont il a admiré l’investissement. Ce dernier était venu le consulter pour deux tendons quadricipitaux cassés. Ce tendon se situe au-dessus de la rotule et permet le verrouillage de chaque genou. Lors de la consultation, il était fumeur et un peu en surpoids. Il présentait également un parcours médical lourd, surtout psychologiquement, après avoir subi plusieurs opérations qui avaient échoué. Chirurgien et patient ont alors « passé un contrat » : la promesse de l’arrêt du tabac pour garantir une reconstruction optimale. Le patient a joué le jeu et a maintenant retrouvé une superbe motricité au niveau de ses jambes.

Et après ?

« Aller mieux » après une opération ne se résume pas à une question de motricité selon le chirurgien. Il assiste souvent, avec la plus grande joie, à une grande amélioration de la psychologie du patient. La particularisation de la relation avec le patient est essentielle pour aider au mieux, et à chaque étape, une diversité de profils considérable. Etienne Cavaignac en profite pour partager un constat : « Une partie des chirurgiens est absolument concentrée sur la technique et ils omettent cet aspect. Ils font parfois des raccourcis ultra-rapides lorsqu’un patient leur donne un ressenti. Certains vont facilement se dire « c’est dans sa tête », sans chercher à approfondir ».

Un projet de prélèvement à Toulouse 

Dans la ville rose, les chirurgiens sont utilisateurs et promoteurs de l’allogreffe, via des publications sur le sujet par exemple, mais pas encore préleveurs. L’équipe de l’Ostéobanque est venue présenter sa technique de prélèvement au sein du laboratoire du CHU. Désormais, un espace dédié à cette pratique devrait voir le jour à Toulouse. Cela permettra aux chirurgiens de l’établissement de nourrir, à leur tour, la banque de tissus. Etienne Cavaignac s’en réjouit :

« Nous sommes très impliqués dans le réseau. Je suis vraiment content d’y appartenir et je voudrais encore faire plus ».

Ses collègues travaillent également avec l’Ostéobanque depuis quelques mois. La connexion s’est faite tout naturellement autour d’un échange de bonnes pratiques. « C’est toujours très intéressant de s’inspirer des techniques des autres pour enrichir sa propre expérience » déclare-t-il. Pour des chirurgies de la cheville, il est possible d’utiliser des tendons autour du genou. Certains se sont donc lancés dans l’allogreffe grâce à ses recommandations… et ils ont déjà noté de superbes résultats !

Les enjeux actuels et futurs concernant l’allogreffe

« Si on interroge 100 personnes dans la rue, 95 vont dire connaître la transplantation de reins ; beaucoup moins connaîtront celle des tendons » assure Etienne Cavaignac. La reconnaissance de ces greffes nécessite du temps et une communication accrue pour gagner du terrain. D’autant plus que c’est une technique relativement nouvelle en France. Etienne Cavaignac prône donc une information élargie. Il est en effet nécessaire d’éclairer la communauté médicale pour qu’elle puisse proposer la procédure et qu’elle sache utiliser les tendons qu’un donneur d’organes est susceptible de donner. Enfin, l’optimisation du processus passerait, selon lui, par une réflexion sur le conditionnement. Il serait pertinent de simplifier au maximum son utilisation en se faisant livrer avec des fils de traction. Une étape gagnée, donc plus de temps pour les patients.

Pour le praticien, toujours aussi friand d’évolutions et de recherche, participer à ce développement collectif dont il a pleinement validé les enjeux positifs pour ses patients, est un nouveau challenge dans lequel il entend s’engager avec énergie et enthousiasme.

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